Cyril Herry

Les décisions qui ont déterminé sa carrière Cyril Herry Une carrière scientifique se construit avec le temps. Pour Cyril Herry, directeur de recherche au Neurocentre Magendie, ce sont des rencontres, des événements, et une pointe de hasard qui l’ont amené où il est aujourd’hui. Mais tout n’est pas dû à la chance ! C’est avec un esprit curieux et une grande envie de comprendre que le chercheur a débuté sa carrière. © Arnaud Rodriguez Tout a commencé au cours de l’enfance, où Cyril Herry avait déjà un goût prononcé pour la découverte. Grandissant dans une famille qui se tournait plutôt vers la croyance, beaucoup de ses questions restaient sans réponses, et cela ne le satisfaisait pas. Son envie de connaître le fonctionnement des objets et les mécanismes sous-jacents a eu raison de nombre de ses jouets qui se retrouvaient décortiqués (comme un train électrique par exemple) afin d’en révéler les mécanismes intrinsèques. Un goût pour les découvertes et la rationalité qui fut à l’origine de son intérêt pour les sciences. Ma plus grande fierté, c’est le succès de mes étudiants passés. Cyril Herry La découverte de son domaine d’étude Après un baccalauréat en biologie, sa matière de prédilection à l’époque, il continue ses études dans ce domaine à l’université. C’est au cours d’un stage pratique en recherche, lors duquel il prélevait des hormones sur des esturgeons, qu’est née sa volonté de faire une carrière scientifique centrée sur la recherche. Vient alors une licence et une maîtrise en sciences cognitives, où il développe un goût pour la transdisciplinarité, et qui va fixer ce qui est aujourd’hui son domaine d’étude. Il y étudie notamment la compréhension du fonctionnement de plusieurs systèmes complexes, tel que le cerveau humain en tant que système de traitement de l’information. L’analyse se faisait sous plusieurs angles d’approche, aussi bien mathématique, computationnelle, philosophique, que biologique. Parmi tous ces sujets, ce sont des cours sur les neurosciences qui vont principalement le marquer et lui donner envie de continuer dans cette voie avec la réalisation de sa thèse dirigée par le professeur René Garcia, puis d’un postdoctorat en Suisse sous la direction du Professeur Andreas Lüthi, figure incontournable des neurosciences des émotions. © Unsplash Markus Spike Ses passions : passer du temps avec sa famille qui lui permet de se ressourcer, le jardinage, qui lui permet de se vider la tête. Il y aussi le bricolage, une passion très utile dans son métier qui nécessite régulièrement de construire et réparer des appareils de mesure, et qui lui a aussi permis de pouvoir remonter son train électrique. Des recherches pour améliorer la santé Ses premiers travaux de recherche portaient sur l’extinction des réponses de défense, c’est-à-dire les mécanismes dans le cerveau qui permettent d’inhiber les réponses émotionnelles de peur. Après presque 10 ans de recherche passionnée sur les circuits neuronaux des réponses de défense, ses recherches se concentrent aujourd’hui sur l’influence des émotions sur la prise de décision. Plus précisément, avec le projet FEARLESSPAIN, il travaille sur la représentation dynamique des états émotionnels positifs et négatifs dans le cerveau au cours du choix, une question qui l’a toujours fortement intéressé. Le but ultime de ses recherches est de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter les troubles anxieux, qui représentent les pathologies psychiatriques les plus prévalentes. Avec son équipe, ils ont réussi à identifier des biomarqueurs (caractéristiques biologiques mesurables) de l’anxiété chez le rongeur puis chez l’humain. La prochaine étape est maintenant d’essayer de les implémenter en tant que nouvelles approches thérapeutiques chez le patient souffrant de troubles anxieux. Ces recherches sont en partie soutenues et financées par la Fondation pour la recherche médicale, qui a jugé leur projet innovant et prometteur. Une transmission qui lui tient à cœur Avec ses années d’expérience, il porte maintenant beaucoup d’importance à la transmission. Notamment avec ses étudiants en thèse, avec qui il développe des projets sur plusieurs années. D’ailleurs, selon lui « le but de la thèse n’est pas seulement de réaliser des expériences scientifiques pour démontrer une hypothèse ; elle sert aussi à apprendre le métier de scientifique ». Or, les questions que doit se poser un scientifique sont nombreuses ! Comment faire de la science et quel est son but ? Pourquoi doit-on contrôler ce qu’on découvre ? Comment doit-on se poser des questions sur ce que l’on l’observe ?  Toutes ces questions sont selon lui nécessaires pour développer des compétences scientifiques, les découvertes scientifiques étant souvent liées à l’observation des phénomènes naturels. Plus précisément, il aime transmettre comment observer la nature et identifier des choses inattendues qui pourront peut-être mener à des recherches et découvertes importantes. Il prend comme exemple un événement qui lui est arrivé au début de sa carrière lors d’une école d’été en neuroscience. Alors qu’il apprenait à ses étudiants à implanter des électrodes pour enregistrer l’activité du cortex préfrontal, les étudiants ont enregistré une autre structure cérébrale sans le vouloir. Cependant, les résultats obtenus n’en étaient pas moins intéressants. Ils indiquaient que certains neurones s’inhibaient très fortement lorsque les animaux présentaient des réponses émotionnelles de peur. Cette découverte a conduit à des recherches plus approfondies qui se sont terminées avec une publication importante.  Ce sont des messages comme celui-là que Cyril Herry prend plaisir à transmettre. Il assume entièrement son rôle envers les étudiants dans leur quête pour devenir chercheurs, et il en est fier ! Plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui des chercheurs chevronnés. « Ma plus grande fierté, c’est le succès de mes étudiants passés ». Une place importante de guide qui lui permettra sûrement d’être lui-même une figure clé de plusieurs carrières scientifiques. Écrit par Lucie Gallardo Retourner aux portraits

Didier Alard

Un parcours cultivé par la passion et le hasard Didier Alard Une paire de jumelles, un bon café et des heures pour contempler la nature, c’est tout ce qu’il faut à Didier Alard pour passer un bon moment. Enseignant-chercheur ayant commencé sa carrière à l’université de Rouen et maintenant directeur de l’unité Fauna (l’observatoire de la faune sauvage) au sein du laboratoire BioGeCo (INRAE, université de Bordeaux), il se rapproche doucement de la retraite. Après un parcours qui force l’admiration, il revient sur l’origine de ce qui l’a toujours poussé vers les sciences. © Didier Alard Didier Alard a un parcours académique, qu’on pourrait qualifier de linéaire. Il a commencé avec une licence de sciences naturelles, puis a enchaîné une maîtrise, un DEA (Diplôme d’études approfondies), une thèse, puis enfin a été recruté par l’université. Mais que ce soit pour ses études ou la suite de son parcours en tant qu’enseignant-chercheur, peu de tout cela était calculé, il le dit lui-même : « c’est complètement dû au hasard. Parce que moi, je n’étais pas du tout parti pour faire ça, en fait ».  J’ai la chance d’avoir un métier passionnant, mais j’ai aussi la chance de faire des choses à côté qui me passionnent encore plus. Didier Alard Le contemplatif, du jardin aux bancs de la fac Dès son enfance, il est vrai qu’il a toujours été attiré par la nature. Il se souvient en riant : « quand j’étais gamin, il y avait une série télévisée […]. Et ça s’appelait Daktari. Je revois encore la musique. Et c’était un vétérinaire qui soignait des lions, des girafes, tout ça. Et donc moi, c’était mon métier. Je voulais faire ça, je voulais faire vétérinaire ». Passionné par la faune, il adorait observer dans son jardin les animaux et voir comment ils fonctionnaient. Il affirme « Moi, j’étais un contemplatif. J’étais un rêveur, quoi ». C’est cet esprit contemplatif qui va l’amener à collectionner de nombreux artéfacts d’animaux, et même à se lancer dans la taxidermie lors de son adolescence, pour toujours mieux comprendre le monde qui l’entoure.  En grandissant, il se détache doucement du rêve d’enfant de devenir vétérinaire en étant confronté à la réalité de la concurrence académique pour y accéder. Mais toujours passionné par la faune, il se dirige vers une licence de sciences naturelles, mûrissant l’idée, comme le père de sa petite amie à l’époque, de devenir à son tour un professeur. © Affiche Daktari La série télévisée Daktari a eu une place très importante dans l’enfance de Didier Alard. En effet, n’ayant pas école le jeudi, il attendait avec impatience ce jour afin de pouvoir regarder cette série. C’est elle qui a été à l’origine de sa passion pour la faune. Des rencontres qui façonnent un étudiant Ses parents n’étant pas familiers avec les sciences, c’est sa rentrée à l’université qui lui ouvre les portes de ce domaine. Espérant faire de la zoologie car c’était ce qui l’intéressait à l’époque, il se retrouve face à la réalité de professeurs de zoologie qui ne correspondent pas à ses attentes.  Mais ce qui l’a façonné dans le monde des sciences, ce sont les rencontres.  La première rencontre qui l’a chamboulé c’est Bernard Boullard, son professeur de botanique. Il raconte : « j’ai eu un professeur qui s’appelait Bernard Boullard. […] qui était un spécialiste des mycorhizes (résultat d’une symbiose entre un champignon et une racine de plante). Et là, je suis tombé amoureux de ça. Le premier cours, j’étais au fond de l’amphi. Le deuxième cours, j’étais au premier rang ». À cette époque, la botanique ne l’avait jamais particulièrement intéressé, mais cette rencontre va lui faire changer de direction. Il deviendra par la suite le directeur du laboratoire dans lequel ce professeur était aussi directeur à l’époque. Après sa maîtrise où il finit major de promo, c’est son professeur Pierre-Noël Frileux qui lui propose et permet de continuer ses études en DEA à Paris, pour ensuite faire une thèse. Et avant de commencer sa thèse, nouveau coup du sort. C’est un ami à lui qui quitte son poste au Muséum de Rouen et le lui recommande, lui permettant alors de pouvoir réaliser sa thèse en parallèle.  Une bonne étoile tout au long de sa carrière On le comprend bien ici, il y a une bonne étoile au-dessus de la tête de Didier Alard.  Après la fin de ses études, c’est durant sa carrière qu’il rencontre lors d’un colloque à Paris, Gérard Balent, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse [NDLR en 2020 l’INRA et IRSTEA, deux organismes de recherche publique ont fusionné pour devenir INRAE]. Cet homme va être pour lui un électrochoc sur la manière dont il veut mener ses recherches. Et lors de ses deux ans à Toulouse, c’est avec lui qu’il va travailler. Il raconte : « moi j’ai eu la chance de faire des rencontres, je pense que la recherche c’est un peu ça aussi, c’est de rencontrer des bonnes personnes et des belles personnes. […] et Gérard c’est devenu un ami,[…] ça m’a ouvert sur une autre littérature scientifique, et ça a été un petit peu le choc culturel ». Un message à faire passer A maintenant 60 ans, Didier Alard approche de la retraite, mais pour lui ce n’est pas synonyme d’ennui. Il parle avec passion de la recherche mais nuance que même s’il fait un métier de passion, il réalise aussi des choses passionnantes et personnelles à côté, et qu’il est important de ne pas confondre le métier et la vie. Il dit : « je pense qu’il ne faut pas attendre son métier uniquement pour vivre ses passions. J’ai la chance d’avoir un métier passionnant, mais j’ai aussi la chance de faire des choses à côté qui me passionnent encore plus ». Et il souligne que si la recherche et les sciences nous intéressent, il ne faut pas hésiter, qu’il existe de nombreuses façons d’en faire sans suivre un parcours académique. Il faut poursuivre ses passions. Écrit par Emma Odin Retourner aux portraits

Athina Tzevahirtzian

Voyage à 20 000 lieues sous les mers Athina Tzevahirtzian La curiosité, voici le moteur du parcours d’Athina Tzevahirtzian, chercheuse en sédimentologie à l’université de Bordeaux. À travers différents pays d’Europe, elle a pris le temps de faire mûrir sa passion : explorer l’histoire de la Terre et les origines des fonds marins. © Athina Tzevahirtzian L’histoire d’Athina débute au pays de l’Olympe. Née à Athènes, au bord de la Méditerranée, la future chercheuse est, dès l’enfance, proche de la mer et de la montagne. La plage, c’est son rendez-vous quotidien, que ce soit quand sa mère vient la chercher après les cours ou en vacances avec ses grands-parents. L’eau, c’est son élément ; c’est là qu’est née sa passion pour les sciences de l’environnement. Père grec et mère française, elle voyage une fois par an en France pour voir ses autres grands-parents pendant l’été. Sa double nationalité lui a permis de maîtriser les deux langues très jeune. Elle obtient son bac économique et social au lycée français d’Athènes en 2010, dans un contexte de crise économique importante. Athina choisit ensuite de partir en France pour poursuivre ses études et se rapprocher de son second pays d’origine. Passée par une licence de géographie à Montpellier dont une dernière année à Valence en Espagne, puis par un master en géographie appliquée à la gestion des littoraux, Athina réalise que ce domaine ne lui convient pas tout à fait : « je sentais que ce n’était toujours pas assez scientifique, […] ce qui me plaisait, c’était vraiment l’océanographie » confie-t-elle, « Avec la géologie marine, ce sont des domaines passionnants car tu découvres comment notre planète fonctionne ». Elle se lance alors dans un second master en océanographie à l’université de Bordeaux où elle se spécialise en sédimentologie et paléoenvironnement.  La géologie marine et l’océanographie, ce sont des domaines passionnants car tu découvres comment notre planète fonctionne. Athina Tzevahirtzian « Une partie de mon cœur est en Sicile » Athina accepte en 2018 un contrat européen « Marie Sklodowska-Curie » pour faire une thèse à l’Université de Palerme, en Sicile, sur les origines de la crise de salinité messinienne. Cette crise est datée entre 5 et 6 millions d’années, durant le Messinien (période géologique). À cette époque, la mer Méditerranée s’est fermée au niveau de Gibraltar provoquant l’évaporation et la hausse de salinité des eaux du bassin méditerranéen, et le dépôt de sels appelé « évaporites ».  Les origines de cette période font l’objet de débats parmi les spécialistes : « Nous ne sommes pas toujours d’accord sur le mode de formation et la chronologie de dépôt des sédiments qu’on observe aujourd’hui sur le terrain », explique la chercheuse. Les alentours de Palerme sont des endroits adaptés à l’analyse de ces sédiments sur la terre ferme. On peut y extraire des carottes sédimentaires sans aller au fond de l’océan, un gain de temps et d’argent. Ces quatre années l’ont marqué. Elle se sentait en Grèce, elle retournait dans sa ville natale. Les siciliens vivent dehors, il fait beau. La vie parait plus légère, plus simple, les gens sont chaleureux et souriants. Se retrouver et boire un verre, discuter, partager après le travail ne devient plus une option, c’est une habitude. Cette bouffée méditerranéenne, elle en avait besoin, ça lui manquait. Mais rester en Sicile n’a pas été une option. L’université manque de moyens et les conditions de travail sont compliquées. © Antoine Lamielle, Wiki Commons En 2024, Athina a effectué sa première mission océanographique à bord du Marion Dufresne, un navire dédié aux expéditions scientifiques et au ravitaillement des Terres australes et antarctiques françaises. Cette mission l’a conduite à explorer les fonds marins autour de l’île Tromelin, située dans l’océan Indien.. Les Comores, nouveau terrain de jeu Après avoir fini sa thèse en 2022, Athina retourne à Bordeaux et accepte un contrat postdoctoral au sein de l’équipe Géologie Sédimentaire du laboratoire de recherche EPOC (Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux – université de Bordeaux, CNRS, Bordeaux INP, École Pratique des Hautes Études). Elle se concentre désormais sur les activités sédimentaires et volcaniques dans le bassin des Comores, un sujet qu’elle a déjà pu aborder lors de son stage de master 2. Cette expérience a abouti à sa première publication : une analyse morpho-bathymétrique, qui est l’analyse des formes des éléments du fond marin et une cartographie des structures volcaniques et tectoniques de la région. En 2018 au sud-est de Mayotte, une grande éruption sous-marine a provoqué de nombreux tremblements de terre et la formation en quelques mois d’un volcan sous-marin de plus de 800 m de haut. Le travail de la chercheuse consiste à explorer et analyser davantage cette zone très active, afin de reconstituer l’histoire volcanique de l’archipel au cours des derniers 2 millions d’années. L’enjeu est d’analyser les sédiments et les fonds marins pour mieux comprendre comment s’est formé et à évolué l’archipel. Parallèlement à ses recherches, Athina enseigne à l’université de Bordeaux. C’est une activité qui lui plait. Le partage et la curiosité sont des valeurs centrales dans sa vie, qu’elle entretient à travers son sport, la danse africaine, et dans ses voyages. C’est pour cette raison qu’elle a toujours tenu à parler les langues des pays qu’elle visite : maîtriser une langue, c’est s’imprégner de la culture et apprendre de ses valeurs. En somme, Athina est un pur produit de la Méditerranée : souriante, bavarde, nourrie par le soleil et passionnée par ce qu’elle fait. Écrit par Erwan Le Gac Retourner aux portraits

Chantal Tribolo

Aux origines de l’Homme anatomiquement moderne Chantal Tribolo Chantal Tribolo est spécialiste en géochronologie au laboratoire Archéosciences Bordeaux*. Elle s’intéresse aux premières cultures des Hommes anatomiquement modernes, celles du Middle Stone Age en Afrique subsaharienne, et cherche avant tout à en établir la chronologie. © Chantal Tribolo Assise entre la porte d’entrée automatique du laboratoire Archéosciences Bordeaux et la machine à café, il ne faut pas longtemps pour que Chantal Tribolo nous transporte au Middle Stone Age (300 000 à 30 000 ans avant le présent) en Afrique du Sud. Cette passion pour l’archéologie, il n’y a pas besoin de fouilles et d’analyses d’échantillons en laboratoire pour la dater. Elle provient d’un cours sur Pompéi présenté par une enseignante de son école primaire. Elle est ensuite alimentée par des articles de journaux sur les sites archéologiques locaux que lui conservait sa grand-mère et par des bénévolats sur des chantiers dès ses 15 ans. D’ailleurs, dans quelques jours, la chercheuse prendra l’avion pour rejoindre ses collègues sur une campagne de fouilles. Dans ses bagages, il y aura comme d’habitude une lampe frontale de lumière rouge, des sachets opaques pour ses prélèvements, des dosimètres, un pistolet à air chaud et de la gaine thermo-rétractable, un carnet, une pince et une truelle … Un tel attirail ne l’a pourtant jamais empêchée de passer les douanes.  Chaque grain de quartz, chaque grain de feldspath est un peu différent et a sa propre petite caractéristique et on va devoir à chaque fois s’adapter à ses caractéristiques. Chantal Tribolo Feldspath et quartz Chantal Tribolo n’est pas archéologue. Après des études en sciences physiques à Paris, elle poursuit son cursus sur les méthodes physiques en archéologie et en muséographie à Bordeaux. Elle allie ainsi sa passion pour l’archéologie et ses compétences en sciences physiques et mathématiques. Sa spécialité est la luminescence stimulée, soit la datation des minéraux présents dans les sédiments, les roches et les céramiques.  Contrairement à la datation radiocarbone, cette technique permet de remonter jusqu’à 200 000 ans avec un échantillon de quartz et 500 000 ans avec un échantillon de feldspath. Ces deux minéraux se retrouvent partout dans le monde. Leurs propriétés physiques les rendent particulièrement intéressants pour cette technique : ils sont sensibles à la radioactivité ambiante et à la lumière. « Les minéraux, quartz et feldspath, se comportent comme des batteries rechargeables. » précise la scientifique. La radioactivité remplit la batterie, la lumière du jour la vide.  La directrice de recherche collecte donc les échantillons de nuit, à la lampe rouge, parfois sous l’œil de ses confrères et consœurs qui dégustent un apéritif en l’attendant. Ils sont scellés dans les sachets opaques. Avec les dosimètres, elle mesure la radioactivité du chantier de fouilles, notamment pour connaître l’hétérogénéité de l’environnement des prélèvements. Chantal Tribolo préfère se rendre sur place pour voir les lieux, s’en imprégner et discuter avec ses collègues archéologues pour apprécier ce qu’ils recherchent. Elle aime les paysages, les rencontres et les girafes croisées le soir sur le chemin du travail. De retour au laboratoire bordelais, de longues heures d’expérimentation et d’analyse patientes l’attendent dans les salles noires « comme des labos photos » : les temps de préparations et de mesures sont importants. Il faut éliminer la matière organique, les carbonates pour ne garder que des grains de quartz et de feldspath. De plus, « chaque grain de quartz, chaque grain de feldspath est un peu différent et a sa propre petite caractéristique et on va devoir à chaque fois s’adapter à ses caractéristiques ». La mesure par luminescence stimulée sur ces grains permet de déduire le temps écoulé depuis que l’échantillon a été exposé à la lumière. Les échantillons rassemblés lors de ses voyages (1 à 3 par an) occupent ainsi largement le reste de l’année. © Chantal Tribolo, le 15 novembre 2024 Le cadre de l’étude du site paléolithique de Bambata (fouilles de Joseph Matembo, Université du Cap). Matopos, Zimbabwe, Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2003.  Remonter aux origines Les informations que la géochronologue recueille servent aux spécialistes de la préhistoire pour essayer de comprendre l’origine des comportements « modernes », de l’homme actuel. Quand elle a commencé sa thèse, on pensait que le développement des capacités cérébrales de l’être humain datait du paléolithique supérieur. On cherchait alors à dater l’apparition de ce comportement complexe et « moderne » en Afrique. L’étude des assemblages des sites de Howieson’s Poort et Still bay où l’on trouve gravures, usages de symboles et nouvelles façons de tailler les outils, a permis de remettre en question cette hypothèse chronologique. Par la suite, Chantal Tribolo ne quitte plus la préhistoire africaine. Son projet actuel concerne 8 sites archéologiques en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Avec son collègue archéologue Guillaume Porraz, ils cherchent à relier l’origine des comportements complexes du Middle Stone Age avec l’apparition des San, les peuples autochtones du sud de l’Afrique au Later Stone Age (période suivant le Middle Stone Age, environ de 50 000 à 8 000 ans). En parallèle, elle continue de travailler au Sénégal dans la vallée de la Falémé, et en Ethiopie. Les « séquences chronoculturelles » du Middle Stone Age y ont évolué de façon différente de l’Afrique australe. « C’est un travail de fourmi [pour reconstituer l’histoire humaine en Afrique, NDA] auquel [elle] apporte [sa] petite pierre ». *Archéosciences Bordeaux : CNRS, Université Bordeaux Montaigne, université de Bordeaux et Ecole Pratique des Hautes Etudes        Écrit par Judith Bourguille Retourner aux portraits

Clément Zanolli

Origine d’une vocation – Paléoanthropologue Clément Zanolli Clément Zanolli est paléoanthropologue, spécialiste de l’étude de la structure dentaire des primates fossiles et actuels, il coordonne notamment le projet ANR GenoMorph. Curieux et persévérant, il a fait de son rêve d’enfant une carrière. Il nous ouvre les portes de son bureau au laboratoire PACEA (CNRS – université de Bordeaux), pour  nous présenter son parcours et ce qui a nourri son ambition d’être chercheur, un métier aussi passionnant qu’exigeant. © Clément Zanolli Curieux par nature, Clément Zanolli ne connaissait pas le monde de la recherche avant d’y entrer. C’est sa passion pour la paléontologie et les découvertes qui l’ont guidé dans cette voie. Comme beaucoup d’enfants, il était passionné par les dinosaures, à tel point qu’il espérait devenir un jour paléontologue. Un peu plus tard, il est influencé par l’émission télé retraçant les aventures de L’Odyssée sous-marine de l’équipe Cousteau, confirmant ainsi son goût pour l’exploration et les découvertes. D’autres événements viennent agrémenter son parcours. Adolescent, il a la chance de rencontrer Yves Coppens, paléontologue français co-découvreur de Lucy, « il m’a même dédicacé un livre » confie-t-il en souriant. Il raconte la première fois où il a pu voir en vrai des fossiles à l’origine de grandes découvertes, comme l’enfant de Taung, c’est pour lui un moment très émouvant. Ce que j’aime le plus c’est la liberté d’étudier ce que je veux, quand je veux et comme je veux. Clément Zanolli Un parcours « classique » mais non sans défis Passionné, il suit un parcours académique « classique », après un début d’études en faculté de géologie et biologie à Rouen, où on lui annonce que le seul débouché serait de devenir professeur de SVT au lycée. Il se rend donc à la capitale pour intégrer le parcours de Master Erasmus Mundus Quaternaire et Préhistoire au Muséum national d’Histoire naturelle. Par la suite il soutient une thèse de doctorat en paléoanthropologie, avant de réaliser un post-doc en Italie au sein du centre international de physique théorique. Cette expérience lui a permis de travailler avec des technologies de pointe. S’en est suivi une année en Afrique du Sud, avant d’être recruté au CNRS à l’Université de Toulouse en 2016, puis à l’université de Bordeaux en 2019. Néanmoins, Clément Zanolli a dû surmonter certaines difficultés, prouvant ainsi sa persévérance. Issu d’une famille de classe moyenne, il nous explique avec beaucoup de reconnaissance qu’il a eu la chance de pouvoir bénéficier du soutien de ses parents. « Je n’étais pas boursier et ils ont fait leur maximum pour m’aider financièrement, surtout pendant ma thèse. » il ajoute « je n’avais pas les moyens d’avoir un logement sur Paris donc je devais faire des allers- retours […] quand j’étais en thèse je profitais des vacances pour travailler et gagner de l’argent ». © Nik sur Unsplash Comme beaucoup d’enfants, il était passionné par les dinosaures, à tel point qu’il espérait devenir un jour paléontologue. Quand je serai grand, je serai paléontologue Aujourd’hui, il est heureux d’avoir réussi à faire de sa passion son métier car il y consacre la majorité de son temps. Même s’il nous explique avec enthousiasme que « j’ai toujours la tête dans le guidon, je peux travailler 16h d’affilées sans problèmes » il complète en souriant « j’apprécie quand même passer du temps avec ma femme et mon chien ». Étudiant des civilisations anciennes, il est régulièrement amené à voyager sur le continent asiatique et africain. Pour sa prochaine mission, il se rendra en Chine courant décembre. Cependant, il nous partage avec transparence les aspects négatifs de sa profession. Si au sein du laboratoire PACEA il entretient de très bonnes relations avec ses collègues, ce n’est pas toujours le cas dans d’autres structures. Clément Zanolli précise « c’est un milieu dur avec de la compétition, en paléontologie beaucoup cherchent à devenir célèbres ». Il insiste sur l’importance de l’intégrité « En science, comme dans la vie, c’est essentiel. Elle nous permet de dépasser notre égo pour avancer lorsque nos découvertes remettent en question nos certitudes. » De plus, même s’il affirme « Ce que j’aime le plus c’est la liberté d’étudier ce que je veux, quand je veux et comme je veux », le manque de moyens financiers du secteur de la paléontologie constitue un frein qui peut être frustrant pour un chercheur. Visiblement aucun de ces points n’a su entacher sa curiosité et son enthousiasme, il nous répond simplement « tant pis, on fait avec ». Écrit par Clara Constantin Retourner aux portraits

Jérémy Leconte

Exoplanètes : gravitation autour de l’astrophysique Jérémy Leconte Jérémy Leconte est chargé de recherche CNRS au LAB (Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, CNRS – université de Bordeaux). Ces thématiques de recherches s’articulent autour de l’étude des exoplanètes, plus précisément de leurs atmosphères et de leurs climats dans des environnements extrêmes. Au travers de modèles numériques, son objectif est de représenter ces systèmes planétaires le plus précisément possible. © Jérémy Leconte Rêves d’espaces En cette fin de matinée ensoleillée, je rejoins Jérémy Leconte au LAB. Malgré la montée laborieuse des trois étages, l’accueil est chaleureux : une boisson chaude m’attend sur le bureau, avec comme porte thé un lamantin au regard espiègle. L’échange s’annonce sous le signe d’une discussion agréable et rythmée. Lorsque nous parlons du parcours de Jérémy Leconte, une grande richesse s’en dégage, ainsi qu’une question : était-ce un but depuis plusieurs années de devenir chercheur en cosmologie ? On peut facilement se représenter un rêve de petit garçon, fondu d’astronomie… Cependant, ce n’était pas le cas du jeune Jérémy. Car avant tout, et ce depuis l’enfance, il était fan de… science-fiction ! Insolite pour un astrophysicien, dont les hobbys ont rejoint, quelque part, le métier.  Plus jeune, c’était un rêve de pilote qui l’animait : conquérir le ciel comme prémices de son futur. Seulement, son daltonisme sera un obstacle à cet objectif. Il imagine alors être professeur : partager ses savoirs semble l’intéresser grandement. Ainsi commence son parcours d’études, d’abord à l’École Normale Supérieure (ENS) de Lyon. Après avoir étudié la mécanique quantique, l’astrophysique se ramène à lui au travers d’un stage au Muséum d’Histoire naturelle de New York. Son planétarium lui fait découvrir les exoplanètes sous un nouveau jour, qui de fil en aiguille l’amèneront à réaliser sa thèse à Lyon : « Un nouveau regard sur la structure interne et l’évolution des planètes géantes solaires et extrasolaires ». Aujourd’hui, sa recherche autour des exoplanètes tourne autour de leurs atmosphères, comment elles réagissent à leurs environnements et à leurs étoiles. Son étude est plutôt théorique : des modèles numériques et analytiques à travers diverses observations (températures, conditions physico-chimiques, etc). Son ordinateur est devenu son compagnon de bureau ! Être chercheur, c’est différent tous les jours. Jérémy Leconte Des renouveaux à la vitesse de la lumière Au fur et à mesure de la discussion, nous venons à parler des différents aspects de son métier. Forcément, il y a les côtés négatifs avec des tâches administratives chronophages, cependant les avantages ne sont pas loin : travailler en équipe avant tout, mais surtout faire un métier qui évolue avec lui. Chaque année, ses thématiques de recherches changent, mais aussi ses possibilités de missions. Effectuer plus de management, de travail de laboratoire, ou même de vulgarisation, c’est autant de possibilités qui s’offrent à son poste : « Être chercheur, c’est différent tous les jours ». Jérémy participe également à un projet d’observation du climat d’un millier d’exoplanètes, auprès de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Lors de ses visites là-bas, c’est l’occasion pour lui de travailler et de discuter auprès d’ingénieurs qui lui expliquent, par exemple, comment sont construits les satellites du projet. Des journées bien différentes de lorsqu’il reste devant son ordinateur à coder ses modèles de climat : comme quoi, on a jamais fini d’apprendre ! © Drew Struzan Affiche du film Star wars : l’Empire contre attaque.Film de science-fiction préféré de Jérémy Leconte. Aux origines d’un hobby Les clichés ont la vie dure pour les astrophysiciens, souvent représentés comme des génies farfelus mordus d’équations… Selon Jérémy, il y a une part de vérité derrière les idées reçues, mais dans ce cas-là, cette image est très erronée. Et pour preuve : au LAB, la science n’est pas mise qu’au service de la recherche, mais aussi de l’humour. Pour exemple, il me conseille de faire un tour sur le site Arxiv.org (une plateforme de manuscrits scientifiques) au 1er avril : des fausses publications aux sujets loufoques peuvent apparaître. Car après tout, qui de mieux qu’un fan de science-fiction pour en parler ? Jérémy me parle alors d’un collègue, chargé de détecter la composition de l’atmosphère d’exoplanètes. L’idée lui est venue d’écrire un article sur comment détecter depuis la Terre une planète subissant une apocalypse zombie ! Rien de plus simple apparemment avec le méthane prétendument présent dans son atmosphère, dû à la décomposition. Pour un autre collègue qui étudie les zones habitables (zones aux conditions propices à la formation d’eau liquide sur une planète), il avait imaginé quelles conditions remplir pour observer une planète dont les océans seraient composés… de bière ! Études de pressions de CO2, conservation des bulles… Pour Jérémy, voilà un bon exemple d’une autre vision de son travail : décompresser, ne pas être trop carré, c’est aussi ça la recherche. Écrit par Solenn Buan Retourner aux portraits

Christian Chevalier

Un physiologiste végétal semant les graines de la découverte Christian Chevalier Christian Chevalier, directeur de recherche rattaché au laboratoire de recherche Biologie du Fruit et Pathologie (INRAE et université de Bordeaux) cultive une passion pour les sciences et la biologie depuis son enfance. Une culture scientifique profondément ancrée dans le noyau familial qui l’a mené au fil de sa carrière à s’intéresser à la biologie du développement des fruits. C’est à INRAE, situé à Villenave-d’Ornon, que s’est déroulée cette rencontre retraçant 35 années d’une fructueuse carrière dans la recherche. © Christian Chevalier Les racines d’une aspiration scientifique Bon élève à l’école, son attrait pour la biologie s’est imposé comme une suite logique dans son parcours. Après un bac de série D — équivalent à l’époque du baccalauréat scientifique actuel — il poursuit ses études avec un Diplôme d’Études Universitaires Générales (DEUG), une licence, un master, puis une thèse en biologie.   Sa spécialisation initiale ? La microbiologie et les bactéries phytopathogènes. Mais, comme souvent, la vie prend des tournants inattendus. Il explique avec justesse : « L’idée d’avoir une spécialisation quand on est un jeune étudiant, c’est important, car cela peut donner un rêve ou un objectif. Mais il ne faut pas que cela devienne quelque chose de rigide, qui limite les opportunités. » Après le service militaire obligatoire de l’époque, il a élargi ses horizons. Gratifié d’une opportunité post-doctorale, celle-ci le conduit jusqu’au Japon. Une expérience marquante dans son parcours scientifique et personnel.  Curiosité, observation, questionnement. Christian Chevalier Éclosion d’une carrière prometteuse L’exotisme de l’Asie et plus particulièrement du pays, ont été d’un vif intérêt pour le jeune chercheur qu’était Christian Chevalier. Toutefois, le choix de partir relevait d’un défi plutôt audacieux. Il raconte, non sans nostalgie, que ce voyage lui a permis de prendre une autre « dimension », changeant sa vision du monde. Cette aventure a offert également des opportunités professionnelles qui lui ont été d’un grand bénéfice.  En effet, une réussite post-doctorale lui permettrait de passer le concours de l’INRA afin de devenir chargé de recherche. Révélation… l’expérience nipponne s’est avérée concluante. Christian Chevalier confie toutefois que sa réussite au concours dépendait principalement de son expérience d’adaptation à la vie au Japon, plus qu’aux résultats scientifiques obtenus.  Dans les années 90, partir réaliser un post-doctorale sur l’île nipponne représentait un tour de force. Les conditions de travail, la société et les défis d’adaptations rencontrés pouvaient faire en abandonner plus d’un. Orphelin de son sujet de spécialisation – suite à un conflit au niveau des instances supérieures – il a dû se réinventer, et s’atteler sur un nouveau domaine d’expertise : la physiologie végétale (qui deviendra par ailleurs son domaine de prédilection encore aujourd’hui). © Inrae Il y a trois mots qui, pour Christian Chevalier, résument une manière d’appréhender la science et le monde : « Curiosité, observation, questionnement ». Interrogé sur un conseil de vie qu’il adresserait à de jeunes scientifiques, il invite à réfléchir sur la vie mais aussi à prendre le temps de contempler l’existant. Il faut réaliser la chance que l’on a « d’être » et de pouvoir se questionner sur les origines de ce monde. Le fruit d’un dur labeur Quand on évoque une fierté personnelle, c’est ce projet ANR qui vient immédiatement à l’esprit de Christian Chevalier : « Comment la communication de cellule à cellule régule-t-elle la croissance du fruit ? ».  Brièvement, dans le cas des tomates, un gène régulant leur taille code une protéine dont la fonction était inconnue jusqu’alors. Les recherches ont permis d’identifier le rôle de ladite protéine, restée un mystère pendant 25 ans.   Il faut aussi savoir que les projets ANR n’ont que 20 % de chances d’être acceptés. Aujourd’hui, la recherche scientifique est souvent marquée par une « culture de l’échec », notamment dans la quête de financements. Cela contraint les scientifiques à passer un temps important à rédiger des projets qui ne verront sûrement jamais le jour. On peut donc comprendre qu’un tel projet, ayant pris 25 ans pour arriver à sa conclusion, puisse avoir une saveur particulière. Écrit par Victor Maillot Retourner aux portraits

Franck Taillandier

Un vadrouilleur émancipé Franck Taillandier Chercheur en aide à la décision dans le laboratoire RECOVER, Franck Taillandier a beaucoup vadrouillé et porté plusieurs casquettes. Désormais installé dans le Var en pleine nature, il poursuit ses travaux et n’arrête jamais d’apprendre. Au fil des projets communs auxquels il participe, il fait dialoguer sans cesse des domaines de recherche variés. © Franck Taillandier Des rencontres et des choix Comme beaucoup d’entre nous, le parcours de Franck Taillandier est le fruit de remises en question régulières et de relations humaines jouant à certains moment-clés de la vie. « J’ai fait une prépa Math sup / Math spé, puisque mon père et mon grand frère avaient fait ça aussi », raconte-t-il. La suite est elle aussi l’illustration d’une reproduction sociale, avec ses trois ans passés à l’École spéciale des travaux publics de Paris, « la même que celle de mon père ». Dès sa deuxième année, il réfléchit à la suite qu’il pourrait donner à ses études car il ne se projette pas dans un parcours d’ingénieur en génie civil. Le chercheur passe donc son agrégation à Toulouse. Grâce à des discussions avec un camarade de promotion, il part pour Chambéry intégrer une autre école d’ingénieurs plus axée sur le développement durable. « C’est là que je me suis initié à l’aide à la décision », relate-t-il. S’en est suivi une thèse sur la gestion d’un parc immobilier, avec un accent mis sur la gestion du risque. Bien qu’il n’y ait pas de chercheur dans sa famille, il est inspiré par son frère jumeau et un ami d’enfance très proche, tous deux en thèse. « Dans cet environnement proche, il y a eu une émulation qui nous a motivés », conclut-il. Son nouveau diplôme en poche, Franck travaille en post-doctorat au Canada pendant un an. « J’ai appris plein de choses là-bas et ça s’est super bien passé, y compris humainement » se remémore-t-il. Il est ensuite venu dispenser des cours de génie civil en tant qu’enseignant-chercheur à l’université de Bordeaux entre 2010 et 2019. Quelques temps avant son départ pour Aix-en-Provence puis dans le Var, il dépose auprès de l’Agence nationale de la recherche son dernier projet de recherche à ce jour en tant que coordinateur : SwITCh. Celui-ci consiste à proposer des outils d’aide à la réflexion sur la mobilité urbaine et son devenir, selon une approche prospectiviste. « C’est un cadre préservé et très protégé » « On avait envie de changer un peu d’environnement, explique Franck, moi je me sens potentiellement bien partout, […] mais ma femme est vraiment de la campagne, les trop grandes villes, elle n’aime pas trop. » Son nouveau cadre de vie dans le Var lui plaît beaucoup, tout comme son nouveau poste. Il dépeint un lieu de travail idyllique : « L’INRAE est juste à côté d’Aix-en-Provence, au pied de la Sainte-Victoire [montagne, ndlr] ; c’est vraiment un paysage magnifique. » Sa maison, entièrement autonome grâce à des panneaux solaires, s’inscrit elle aussi dans ce nouveau mode de vie. « On a fait un choix radical, […] on est isolés, reliés à aucun réseau et entourés par la forêt » décrit-il. Mais ce genre de choix implique également d’autres contraintes qui peuvent paraître contradictoires. « Moi, je pratique la voiture bien malgré moi puisque je vis isolé, déplore-t-il, mais je pratique aussi le vélo, […] je le mets dans mon coffre pour finir mes trajets avec. » « C’est quelque chose de très motivant, […] de se remettre en question en tant que chercheur, en tant que citoyen. » Franck Taillandier La pluridisciplinarité comme philosophie de recherche Si l’intermodalité des modes de transport reste un défi complexe sur un territoire à la présence humaine morcelée, les environnements urbains sur lesquels travaille Franck y semblent plus propices, du moins en apparence. Des incidents continuent de se produire, comme en témoigne la mort d’un cycliste de 27 ans à Paris, en octobre dernier. « Ce cas précis était vraiment violent, explique-t-il, hormis ces cas exceptionnels, on peut s’intéresser […] à tous les accrochages ordinaires dans la vie de tous les jours. » Les pistes d’amélioration pour faire évoluer les comportements et faciliter les moyens de transports légers sont très variées : infrastructures, réglementation spécifique, valorisation et reproduction sociale, acculturation par l’usage etc. « Les comportements, c’est un sujet que je ne connaissais pas tant que ça, je connaissais plus le côté infrastructures », confie le chercheur. Aussi, il est convaincu des bienfaits de la pluridisciplinarité pour évoluer et apprendre sans cesse. « C’est quelque chose de très motivant, […] de se remettre en question en tant que chercheur, en tant que citoyen. » détaille-t-il. Les échanges entre les disciplines sont ainsi au cœur de ses travaux et sa philosophie de travail. Franck recherche également ces qualités chez les doctorant·e·s qu’il encadre : « Les meilleures thèses que j’ai eues, ce sont des personnes qui ont pu embrasser ça complètement. » © Franck Taillandier Franck Taillandier s’est lancé dans la recherche avec une vision préconçue. Il raconte : « Comme beaucoup de gens, je pensais qu’il fallait être extrêmement intelligent pour être chercheur. Et en fait, ce n’est pas du tout une image fidèle à la réalité. On n’est pas tous Einstein, et il n’y a pas besoin de l’être, heureusement ! » Voilà une bonne occasion de le redire : les théories scientifiques ne sortent pas du seul cerveau d’un génie une fois par siècle. Elles trouvent leur origine dans un travail collaboratif et collégial au long court. Écrit par Maxime Flouriot Retourner aux portraits

Catherine Helmer

Une rencontre que nous ne sommes pas prêts d’oublier Catherine Helmer Catherine Helmer, directrice de recherche Inserm, spécialisée dans le vieillissement cognitif et la maladie d’Alzheimer, est un modèle de passion et de détermination. De la médecine à la santé publique, elle contribue aujourd’hui à la compréhension et la prévention de cette neurodégénérescence. © Catherine Helmer Un parcours tout tracé Lorsque nous interrogeons Catherine Helmer sur son parcours, cette dernière nous le présente comme linéaire. Tout commence lors d’un voyage en Angleterre, lorsque cette dernière visite le laboratoire de biologie du père de sa correspondante. C’est le déclic : elle veut faire de la recherche en santé. Originaire de Dordogne, c’est sur les conseils de son entourage qu’elle s’installe à Bordeaux afin de poursuivre des études en médecine. Fidèle à son ambition initiale, elle choisit finalement la santé publique, une spécialité peu demandée, qui lui offre l’opportunité d’allier la médecine et le monde de la recherche. Loin de l’environnement stressant des urgences, cette voie lui plaît. La recherche, c’est avant tout une liberté retrouvée. Hésitante, elle finit par se confier : « Cela faisait du bien de réfléchir et de se poser des questions car finalement, les études de médecine nous font emmagasiner plein de connaissances, sans forcément se questionner ». © Nik, Unsplash Au-delà de la casquette de chercheuse, elle apprécie avant tout les grands espaces. « J’ai besoin d’espaces verts, j’habite proche d’une forêt où je vais souvent me promener », confie-t-elle en souriant. Amoureuse des environnements verdoyants, elle consacre également du temps au jardinage, une activité qu’elle trouve apaisante. Elle s’adonne aussi à des loisirs artistiques, comme les claquettes et le chant, qu’elle pratique au sein d’une chorale. « Ce sont des activités qui me permettent de me détendre et de m’évader ».  L’épidémiologie au service du vieillissement cognitif Aujourd’hui, Catherine Helmer exerce toujours à Bordeaux, au Centre Bordeaux Population Health (Inserm – université de Bordeaux), où elle s’épanouit pleinement. Elle travaille comme épidémiologiste dans le projet VirAlz, sur le vieillissement cognitif et la maladie d’Alzheimer « Avant lorsque je parlais du métier d’épidémiologiste, les gens ouvraient grand les yeux. Depuis le Covid, ils comprennent mieux ce que cela signifie », s’amuse la scientifique. L’épidémiologie se décrit comme étant l’étude des maladies et leurs déterminants. L’objectif est double :  mieux comprendre les pathologies et identifier des pistes de prévention. Son approche repose sur des études de cohorte, où un échantillon de population est suivi sur le long terme pour évaluer les performances cognitives, détecter des troubles éventuels et analyser les facteurs de risque favorisant la maladie. « La maladie d’Alzheimer est sous-diagnostiquée, avant on parlait de démence sénile, comme si c’était une fatalité liée à l’âge », nous explique l’épidémiologiste. Historiquement, la prise en charge de la maladie est assez récente, « les premiers traitements datent de 1998 ! », nous apprend la chercheuse. « Ce n’est que depuis les années 2000, grâce aux plans nationaux, que la maladie est mieux reconnue ». Je n’imagine pas que j’aurais pu faire autre chose, la recherche c’était une évidence. Catherine Helmer Déconstruire l’image du scientifique Lorsque nous questionnons Catherine Helmer quant à une idée à démystifier sur les chercheurs, c’est tout naturellement qu’elle évoque l’image du scientifique travaillant seul derrière son microscope : « La différence en tant qu’épidémiologiste, est que je travaille beaucoup derrière mon ordinateur ». Mais la recherche ne se résume pas à un travail solitaire : c’est avant tout un travail collaboratif, reposant sur un échange d’idées et une mutualisation des compétences afin de concrétiser des projets ! Interrogée sur une alternative à sa carrière d’épidémiologiste, elle répond avec spontanéité : « je n’imagine pas que j’aurais pu faire autre chose, la recherche c’était une évidence. » Si ce n’avait pas été la recherche, elle se serait probablement tournée vers un métier lié au soin des personnes. « Je me serais toujours tournée vers l’humain », affirme-t-elle. Pour elle, les qualités essentielles à une carrière en recherche sont nombreuses, à commencer par la passion et la détermination. « Il faut être motivé, car même si la recherche est un domaine passionnant, elle demande beaucoup de persévérance et de rigueur » raconte Catherine Helmer. « Il y a aussi des déceptions, mais un résultat négatif est un résultat qui fait aussi avancer ». Écrit par Charlotte Quemin Retourner aux portraits

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Titre de l’article Nom chercheureuse CHAPEAU Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo. Ajoutez votre titre ici   Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Aliquam viverra elit at fringilla varius. Quisque in diam bibendum, sagittis augue nec, commodo libero. Sed sit amet orci id nibh tempus hendrerit. Cras nulla ipsum, lobortis ut tellus nec, efficitur dictum justo. Quisque est ante, commodo et egestas et, aliquet non turpis. Proin vitae massa eget mi viverra tincidunt in vel mi. Class aptent taciti sociosqu ad litora torquent per conubia nostra, per inceptos himenaeos. Donec lobortis, augue at lobortis dapibus, nibh odio auctor risus, non porta erat mauris at nibh. Aliquam odio leo, posuere eu elit eget, elementum convallis felis. Nulla dapibus risus euismod, ornare dui ac, aliquet urna. Mauris congue posuere ante, sed accumsan tellus commodo et. Nam quis augue finibus, commodo quam eu, tincidunt magna. Mauris posuere ut mauris id dictum. Curabitur metus sem, posuere eget dictum ac, vulputate nec ante. Cras malesuada vehicula tellus. Suspendisse a scelerisque diam. Donec scelerisque dignissim est ut placerat. Maecenas nisi augue, sodales vestibulum tincidunt in, vestibulum vel leo. Duis laoreet tellus vel euismod tincidunt. Aenean ornare elit ac sapien euismod ornare. In est massa, accumsan at sapien ornare, porttitor hendrerit nibh. Nam fermentum sapien augue, sed convallis ante posuere sit amet. Vivamus finibus erat semper velit mattis auctor. Vestibulum ante ipsum primis in faucibus orci luctus et ultrices posuere cubilia curae; Nulla nec commodo nibh. In eget tincidunt metus. Suspendisse tristique sagittis neque sollicitudin vulputate. Aenean elementum volutpat elit, vitae faucibus nulla ullamcorper nec. Morbi volutpat eleifend convallis. Cras semper lacus nisi, eget bibendum augue vestibulum sed. Donec blandit condimentum purus non fermentum. Aliquam tempus orci sed ultrices cursus. Sed consectetur ipsum dui, ut rutrum orci egestas sed. Nunc a mi iaculis, sollicitudin nisi et, egestas ante. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Nulla pellentesque, libero hendrerit posuere tincidunt, nisi tellus luctus lectus. Auteur de la citation Ajoutez votre titre ici Etiam sed diam eleifend, vulputate turpis eu, tincidunt magna. Nam dapibus euismod tincidunt. Morbi vitae convallis lacus. Integer consequat elit non turpis ultricies sodales. Maecenas justo turpis, semper quis sem eu, porttitor rutrum ante. Pellentesque pharetra rhoncus sem vitae condimentum. Vestibulum tempor augue diam, sed tempus mauris dignissim in. Suspendisse vulputate, arcu a vehicula sollicitudin, nisi massa facilisis augue, in pellentesque odio erat at nulla. Pellentesque suscipit dui ligula, quis hendrerit dui rutrum ut. Morbi vitae nisl quis odio semper volutpat. Sed sed hendrerit enim. Proin lobortis eu ante et convallis. Praesent egestas tristique odio at bibendum. © Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo. Ajoutez votre titre ici Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Ut elit tellus, luctus nec ullamcorper mattis, pulvinar dapibus leo. Ecrit par Sample Call to Action Heading Add a strong one liner supporting the heading above and giving users a reason to click on the button below. Click Here