Stéréotypes : une construction humaine entre croyances et réalité
Pourquoi les stéréotypes existent-ils ? Pour comprendre, revenons sur l’origine, le développement et la persistance des stéréotypes avec Antonin Carrier, maître de conférences en psychologie sociale à l’université de Bordeaux.
Les stéréotypes sont des connaissances partagées sur les attributs et/ou les caractéristiques des membres d’un groupe. Un stéréotype est composé de deux parties : une construite qui touche aux croyances et une part de réalité. Cette dernière s’appuie sur des aspects descriptifs, qui peuvent être physiques ou psychologiques et c’est cela qui va être évalué par la partie croyance qui est le résultat de représentations et de logiques sociales. La conséquence étant un jugement non neutre d’une chose visible.
Les stéréotypes sont des éléments d’information pour l’humain. En effet, nous avons besoin de comprendre notre environnement, de produire du sens.
« Pour nous simplifier cette compréhension et obtenir de l’information, nous catégorisons, nous trions, nous organisons en fonction des similarités et des différences que nous observons », explique Antonin Carrier.
Mais cette catégorisation est aussi dépendante de notre relation avec la cible, et pas de ce qu’elle est dans toute sa complexité et ses nuances. En plus de sa quête de sens, l’humain est un être social qui a besoin de combler son besoin d’appartenance à un groupe en s’entourant de ses semblables.
Lorsqu’une situation lui est inconnue, il cherche à comprendre. Son premier réflexe va donc être de catégoriser l’autre comme différent et extérieur à son groupe. En fonction de ses connaissances acquises socialement, il va émettre un jugement plus ou moins négatif ou positif.
Le pouvoir de la situation et son caractère arbitraire ne sont pas à négliger.
Les stéréotypes sont donc le résultat de l’interaction entre nos besoins psychologiques et le déterminisme sociologique. Ce qui peut nous amener à remettre en question notre libre arbitre : nous sommes peut-être beaucoup moins libres que ce que nous pensons.
Les 3 facteurs à l’origine d’un stéréotype
« Il faut bien comprendre que les stéréotypes, c’est très humain et c’est normal d’en avoir », précise Antonin Carrier. Le développement des stéréotypes est dû à des fonctionnements profonds de l’humain. « Nous sommes une espèce pacifique et collaborative, extrêmement conformiste, pour qui la hiérarchie est aussi puissante que la croyance », ajoute le spécialiste.
Il identifie 3 facteurs à l’origine des stéréotypes :
- La structure des relations et la compatibilité des buts. Elle relève des relations entre les groupes, par exemple une situation de compétition amène à la stigmatisation de l’adversaire. Alors qu’en situation de collaboration, les individus se trouvent plus facilement des points communs.
- Le sentiment d’appartenance à un groupe, qui nous conduit à privilégier les membres de notre groupe et discriminer ceux de l’autre, sans besoin de situation réelle.
- La compatibilité des valeurs. Si les valeurs de deux individus sont trop éloignées, c’est là que peuvent émerger les conflits les plus violents, générant la haine et des volontés d’élimination de l’autre groupe.
Pourquoi est-ce si compliqué à déconstruire ?
Pourquoi les stéréotypes sont-ils si compliqués à déconstruire ? « Parce que les individus pensent avoir de bonnes raisons de croire en leurs propres stéréotypes », répond Antonin Carrier, il poursuit : « Personne n’a envie d’être immoral ou violent. Si nous avons un comportement problématique, c’est parce que nous ne le considérons pas comme problématique. » Dès lors que nos croyances stéréotypiques sont remises en question ou menacées, c’est en fait notre représentation du monde entier qui est remise en cause.
Bien que cela soit humain, les stéréotypes sont étudiés notamment pour mieux les comprendre et tenter de résoudre les conséquences négatives qu’ils engendrent.
Parmi ces tentatives nous retrouvons « l’hypothèse du contact » pour acquérir des informations moins menaçantes via des interactions avec la cible stéréotypée. Cette prise de contact permet de créer de nouvelles expériences positives qui déconstruisent les idées préconçues.
« Un travail de sensibilisation et d’éducation est nécessaire, car la plupart des personnes ne se rendent pas compte qu’elles entretiennent des stéréotypes car elles considèrent leur croyance comme vraie et vérifiée », ajoute Antonin Carrier, qui conclut : « Les stéréotypes trouvent donc leur origine dans un groupe mais s’arrêtent également avec le groupe ».
Clara Constantin